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CHAPITRE QUATRE

FOUR

La maîtrise du corps et du mental par le yoga

Yoga as Body and Mind Control

D’UN BOUT À L’AUTRE de la Bhagavad-gītā, Kṛṣṇa encourage Arjuna à se battre, car il est un guerrier, dont le devoir est justement de combattre. Même si Kṛṣṇa décrit le yoga de la méditation dans le sixième chapitre, Il n’insiste pas sur sa pratique, pas plus qu’Il n’encourage Arjuna à opter pour cette voie. Il reconnaît d’ailleurs Lui-même que cette forme de yoga est très difficile à pratiquer :

Throughout Bhagavad-gītā, Kṛṣṇa was encouraging Arjuna to fight, for he was a warrior, and fighting was his duty. Although Kṛṣṇa delineates the meditational yoga system in the Sixth Chapter, He does not stress it or encourage Arjuna to pursue it as his path. Kṛṣṇa admits that this meditational process is very difficult:

śrī-bhagavān uvāca
asaṁśayaṁ mahā-bāho
mano durnigrahaṁ calam
abhyāsena tu kaunteya
vairāgyeṇa ca gṛhyate
śrī-bhagavān uvāca
asaṁśayaṁ mahā-bāho
mano durnigrahaṁ calam
abhyāsena tu kaunteya
vairāgyeṇa ca gṛhyate

« Le Seigneur, Kṛṣṇa, dit : Ô fils de Kuntī aux bras puissants, il est certes très difficile de dompter ce mental fuyant. Mais le détachement et une pratique adéquate permettent d’y arriver. » (Gītā 6.35)

“The Blessed Lord said: O mighty-armed son of Kuntī, it is undoubtedly very difficult to curb the restless mind, but it is possible by constant practice and by detachment.” (Bg. 6.35)

Kṛṣṇa met ici l’emphase sur le renoncement et sur une pratique soutenue comme moyens de maîtriser le mental. Mais qu’est-ce que le renoncement ? De nos jours, il est pratiquement impossible de renoncer à quoi que ce soit tellement nous sommes habitués à toutes sortes de plaisirs matériels. Néanmoins, en dépit du fait que nous menons une existence de licence débridée, nous suivons des cours de yoga et nous nous attendons à réussir dans cette discipline. La pratique fructueuse du yoga s’accompagne de si nombreuses restrictions, quand la plupart d’entre nous ont du mal à se défaire d’une habitude aussi simple que celle de fumer.

Here Kṛṣṇa emphasizes practice and renunciation as ways to control the mind. But what is that renunciation? Today it is hardly possible for us to renounce anything, for we are so habituated to such a variety of material sense pleasures. Despite leading a life of uncontrolled sense indulgence, we attend yoga classes and expect to attain success. There are so many rules and regulations involved in the proper execution of yoga, and most of us can hardly give up a simple habit like smoking.

Dans Son exposé sur le yoga de la méditation, Kṛṣṇa établit par exemple que personne ne peut pratiquer le yoga dans les règles s’il mange trop ou trop peu. Celui qui se laisse dépérir ne peut donc pas pratiquer correctement le yoga, pas plus que celui qui ingurgite davantage de nourriture qu’il n’en a besoin. Il faut manger de façon modérée, juste assez pour maintenir l’âme unie au corps ; il n’est pas question de se nourrir pour le seul plaisir de la langue. Lorsque nous nous trouvons devant des mets appétissants, nous nous contentons difficilement d’un seul plat. L’habitude nous pousse à en prendre deux, trois ou quatre, et même plus. Notre sens du goût n’est jamais satisfait. En Inde, cependant, il n’est pas rare de voir un yogī se contenter d’une cuillerée de riz par jour.

Il n’est pas non plus possible de pratiquer le yoga de la méditation si l’on dort trop ou trop peu. Il n’existe pas de sommeil sans rêve, nous dit Kṛṣṇa. Quiconque dort est assuré de rêver, même s’il ne s’en souvient pas au réveil. Toutefois, Kṛṣṇa nous met en garde dans la Bhagavad-gītā en disant que celui qui rêve trop en dormant ne peut pas pratiquer convenablement le yoga. En fait, il ne faudrait pas dormir plus de six heures par jour. Il n’est pas non plus question de pratiquer le yoga avec succès si l’on souffre d’insomnie, car le corps doit être maintenu en bonne santé. Ainsi Kṛṣṇa donne-t-Il un aperçu des nombreuses exigences requises pour discipliner le corps. Toutes ces exigences peuvent cependant être ramenées à quatre règles de base : pas de rapports sexuels illicites, pas de substances excitantes ou enivrantes, pas de consommation de chair animale et pas de jeux de hasard. Ce sont là les quatre règles minimales indispensables à la pratique du yoga sous n’importe laquelle de ses formes.

Or en cet âge, qui peut se garder de ces mauvaises habitudes ? C’est pourtant sur cette base que nous devons nous évaluer de façon à déterminer nos progrès sur la voie du yoga.

In His discourse on the meditational yoga system, Kṛṣṇa proclaims that yoga cannot be properly performed by one who eats too much or eats too little. One who starves himself cannot properly perform yoga. Nor can the person who eats more than required. The eating process should be moderate, just enough to keep body and soul together; it should not be for the enjoyment of the tongue. When palatable dishes come before us, we are accustomed to take not just one of the preparations but two, three and four – and upwards. Our tongue is never satisfied. But it is not unusual in India to see a yogī take only a small spoonful of rice a day and nothing more. Nor can one execute the meditational yoga system if one sleeps too much or does not sleep sufficiently. Kṛṣṇa does not say that there is such a thing as dreamless sleep. As soon as we go to sleep, we will have a dream, although we may not remember it. In the Gītā Kṛṣṇa cautions that one who dreams too much while sleeping cannot properly execute yoga. One should not sleep more than six hours daily. Nor can one infected by insomnia, who cannot sleep at night, successfully execute yoga, for the body must be kept fit. Thus Kṛṣṇa outlines so many requirements for disciplining the body. All these requirements, however, can essentially be broken down into four basic rules: no illicit sexual connection, no intoxication, no meat-eating and no gambling. These are the four minimum regulations for the execution of any yoga system. And in this age who can refrain from these activities? We have to test ourselves accordingly to ascertain our success in yoga execution.

yogī yuñjīta satatam
ātmānaṁ rahasi sthitaḥ
ekākī yata-cittātmā
nirāśīr aparigrahaḥ
yogī yuñjīta satatam
ātmānaṁ rahasi sthitaḥ
ekākī yata-cittātmā
nirāśīr aparigrahaḥ

« Le spiritualiste doit se vouer corps et âme au Suprême. Il lui faut vivre en un lieu solitaire, toujours rester maître de son mental, et s’affranchir de tout désir et de tout sentiment de possession. » (Gītā 6.10) Ce verset nous permet de comprendre qu’il est du devoir du yogī de toujours vivre dans la solitude. Le yoga de la méditation ne peut être pratiqué au milieu d’autres gens, du moins pas selon la Bhagavad-gītā. À moins de vivre dans un lieu retiré, il est impossible de fixer le mental sur l’Âme Suprême. En Inde, il existe encore de nombreux yogīs qui se réunissent pour la Kumba Melā. Ils vivent généralement en solitaires, mais en de rares occasions, il leur arrive de participer à des célébrations spéciales. Il y a encore des milliers de sages et de yogīs en Inde, et tous les douze ans environ, ils se réunissent en certains lieux saints, comme Allahabad, au même titre que les hommes d’affaires américains se rencontrent lors de conventions périodiques. En plus de vivre dans un lieu retiré, le yogī doit rester libre de tout désir, et sa pratique du yoga ne doit pas viser l’obtention de pouvoirs matériels. Il ne doit pas non plus accepter de cadeaux ou de faveurs des gens. S’il veut pratiquer le yoga comme il se doit, il lui faut vivre dans la jungle, dans la forêt ou dans les montagnes, et se tenir complètement à l’écart de la société. Il doit se souvenir à tout moment, et avec conviction, de Celui pour qui il est devenu un yogī. Il ne se considère toutefois jamais seul, car le Paramātmā, l’Âme Suprême, Se trouve à tout moment à ses côtés. Nous pouvons ainsi voir qu’il est effectivement très difficile de pratiquer cette forme de yoga dans le contexte de la civilisation moderne. En fait, la civilisation contemporaine, dans l’âge de Kali, ne nous permet pas de vivre entièrement seul, libre de tout désir et de toute possession.

“A transcendentalist should always try to concentrate his mind on the Supreme Self; he should live alone in a secluded place and should always carefully control his mind. He should be free from desires and feelings of possessiveness.” (Bg. 6.10) From this verse we can understand that it is the duty of the yogī to always remain alone. Meditational yoga cannot be performed in an assembly, at least not according to Bhagavad-gītā. In the meditational system it is not possible to concentrate the mind upon the Supersoul except in a secluded place. In India, there are still many yogīs who assemble at the Kumba Melā. Generally they are in seclusion, but on rare occasions they come to attend special functions. In India there are still thousands of yogīs and sages, and every twelve years or so they meet in particular holy places – Allahabad, etc. – just as in America they have businessmen’s conventions. The yogī, in addition to living in a secluded place, should also be free from desires and should not think that he is performing yoga to achieve some material powers. Nor should he accept gifts or favors from people. If he is properly executing this meditational yoga, he stays alone in the jungles, forests or mountains and avoids society altogether. At all times he must be convinced for whom he has become a yogī. He does not consider himself alone because at all times the Param­ātmā – Supersoul – is with him. From this we can see that in modern civilization it is indeed very difficult to execute this meditational form of yoga properly. Contemporary civilization in this age of Kali has actually made it impossible for us to be alone, to be desireless and to be possessionless.

Kṛṣṇa explique encore plus en détail à Arjuna la pratique du yoga de la méditation :

The method of executing meditational yoga is further explained in considerable detail by Kṛṣṇa to Arjuna. Śrī Kṛṣṇa says,

śucau deśe pratiṣṭhāpya
sthiram āsanam ātmanaḥ
nāty-ucchritaṁ nāti-nīcaṁ
cailājina-kuśottaram
śucau deśe pratiṣṭhāpya
sthiram āsanam ātmanaḥ
nāty-ucchritaṁ nāti-nīcaṁ
cailājina-kuśottaram
tatraikāgraṁ manaḥ kṛtvā
yata-cittendriya-kriyaḥ
upaviśyāsane yuñjyād
yogam ātma-viśuddhaye
tatraikāgraṁ manaḥ kṛtvā
yata-cittendriya-kriyaḥ
upaviśyāsane yuñjyād
yogam ātma-viśuddhaye

« En un lieu saint et retiré, il doit confectionner un siège d’herbe kuśa qui ne soit ni trop haut ni trop bas, puis le recouvrir d’une peau de daim et d’une étoffe douce. Là, il doit prendre une assise ferme et pratiquer le yoga pour purifier son cœur, en contrôlant son mental, ses sens et ses actes, et en fixant ses pensées sur un point unique. » (Gītā 6.11–12) Les yogīs s’assoient généralement sur des peaux de tigre ou de daim, sachant que les reptiles n’oseront pas s’y aventurer pour troubler leur méditation. Il apparaît que dans la création de Dieu, tout a une utilité. Chaque espèce d’herbe et de plante a son utilité propre, même si nous ne la connaissons pas précisément. Ainsi donc, Kṛṣṇa a inclus dans la Bhagavad-gītā une indication permettant au yogī de ne pas se soucier des serpents. Après avoir pris place sur un siège approprié dans un endroit retiré, le yogī doit entreprendre de purifier l’ātmā (le corps, le mental et l’âme). Il ne doit pas se mettre à penser qu’il va obtenir des pouvoirs extraordinaires. Il arrive naturellement que les yogīs obtiennent certains pouvoirs (siddhis), mais ce n’est pas là le but du yoga, et les vrais yogīs n’en font pas étalage. Le véritable yogī pense plutôt : « Je suis maintenant souillé par l’atmosphère matérielle qui m’entoure ; je dois donc me purifier. »

“To practice yoga, one should go to a secluded place and should lay kuśa grass on the ground and then cover it with a deerskin and a soft cloth. The seat should be neither too high nor too low and should be situated in a sacred place. The yogī should then sit on it very firmly and should practice yoga by controlling the mind and the senses, purifying the heart and fixing the mind on one point.” (Bg. 6.11–12) Generally yogīs sit on tiger skin or deerskin because reptiles will not crawl on such skins to disturb their meditations. It seems that in God’s creation there is a use for everything. Every grass and herb has its use and serves some function, although we may not know what it is. So in Bhagavad-gītā Kṛṣṇa has made some provision whereby the yogī doesn’t have to worry about snakes. Having acquired a good sitting place in a secluded environment, the yogī begins to purify the ātmā – body, mind and soul. The yogī should not think, “Now I will try to achieve some wonderful powers.” Sometimes yogīs do attain certain siddhis, or powers, but these are not the purpose of yoga, and real yogīs do not exhibit them. The real yogī thinks, “I am now contaminated by this material atmosphere, so now I must purify myself.”

Nous pouvons rapidement constater qu’il n’est pas si facile de maîtriser le corps et le mental, et que l’exercice est beaucoup plus exigeant que de se rendre au magasin pour y faire un achat. Mais Kṛṣṇa indique que toutes ces règles peuvent être observées sans mal par celui qui s’établit dans la conscience de Kṛṣṇa.

We can quickly see that controlling the mind and body is not such an easy thing and that we cannot control them as easily as we can go to the store and purchase something. But Kṛṣṇa indicates that these rules can be easily followed when we are in Kṛṣṇa consciousness.

Il va sans dire que tout le monde est stimulé par la sexualité, ce qui n’est pas condamnable en soi. Nous avons un corps matériel, et tant que nous l’aurons, nous serons enclins aux désirs de la chair. De même, aussi longtemps que nous aurons un corps, nous devrons manger pour le soutenir, et nous devrons dormir pour le reposer. Il ne s’agit pas de croire que nous pouvons nier ces activités. Mais les Écritures védiques nous fournissent des indications sur la façon d’ordonner nos habitudes en ce qui a trait à l’alimentation, au sommeil, à la reproduction, etc. Si nous voulons un tant soit peu réussir dans la pratique du yoga, nous devons empêcher nos sens débridés de céder aux sollicitations des objets sensoriels. C’est pour cette raison qu’il existe des règles et que Śrī Kṛṣṇa affirme que le mental peut être contrôlé à l’aide de principes régulateurs. Si nous ne soumettons pas nos activités à des règles précises, notre esprit deviendra de plus en plus troublé. Il n’est pas question de cesser toutes activités, mais plutôt de les réglementer en absorbant constamment son esprit dans la conscience de Kṛṣṇa. Le fait d’être toujours engagé dans une activité en rapport avec Kṛṣṇa constitue le véritable samādhi. Non pas que lorsqu’on est en samādhi on cesse de manger, de travailler, de dormir ou de jouir de la vie. Le samādhi se définit plutôt par l’accomplissement d’activités ordonnées tout en s’absorbant dans la pensée de Kṛṣṇa.

Kṛṣṇa poursuit en disant :

Of course everyone is motivated by sex life, but sex life is not actually discouraged. We have this material body, and as long as we have it, sex desire will be there. Similarly, as long as we have the body, we must eat to maintain it, and we must sleep in order to give it rest. We cannot expect to negate these activities, but the Vedic literatures do give us guidelines for regulation in eating, sleeping, mating, etc. If we at all expect success in the yoga system, we cannot allow our unbridled senses to take us down the paths of sense objects; therefore guidelines are set up. Lord Śrī Kṛṣṇa is advising that the mind can be controlled through regulation. If we do not regulate our activities, our mind will be more and more agitated. It is not that activities are to be stopped, but regulated by the mind always engaged in Kṛṣṇa consciousness. Being always engaged in some activity connected with Kṛṣṇa is actual samādhi. It is not that when one is in samādhi he doesn’t eat, work, sleep or enjoy himself in any way. Rather, samādhi can be defined as executing regulated activities while absorbed in the thought of Kṛṣṇa.

asaṁyatātmanā yogo
duṣprāpa iti me matiḥ
asaṁyatātmanā yogo
duṣprāpa iti me matiḥ
vaśyātmanā tu yatatā
śakyo ’vāptum upāyataḥ

Il est malaisé pour qui n’a pas maîtrisé son mental de parvenir à la réalisation spirituelle (Gītā 6.36). Tout le monde sait qu’il est dangereux de monter un cheval sans rênes. Il peut se lancer dans n’importe quelle direction au grand galop, et le cavalier risque fort d’en pâtir. Dans le même ordre d’idée, Kṛṣṇa reconnaît avec Arjuna que lorsque le mental n’est pas maîtrisé, il est très difficile de pratiquer le yoga. Il ajoute cependant :

vaśyātmanā tu yatatā
śakyo ’vāptum upāyataḥ

« En revanche, la réussite est assurée pour qui le domine par des moyens appropriés. Telle est Ma pensée. » (Gītā 6.36) Que veut-Il dire lorsqu’Il parle de « moyens appropriés » ? Tout simplement qu’il faut s’efforcer d’observer les quatre principes régulateurs de base définis précédemment, et d’accomplir ses activités dans la conscience de Kṛṣṇa.

“For one whose mind is unbridled,” Kṛṣṇa further says, “self-realization is difficult work.” (Bg. 6.36) Anyone knows that an unbridled horse is dangerous to ride. He can go in any direction at any speed, and his rider is likely to come to some harm. Insofar as the mind is unbridled, Kṛṣṇa agrees with Arjuna that the yoga system is very difficult work indeed. “But,” Kṛṣṇa adds, “he whose mind is controlled and strives by right means is assured of success. That is My judgment.” (Bg. 6.36) What is meant by “strives by right means”? One has to try to follow the four basic regulative principles as mentioned and execute his activities absorbed in Kṛṣṇa consciousness.

Si quelqu’un choisit de pratiquer le yoga chez lui, il doit s’assurer que ses autres occupations ne l’accaparent pas trop. Il ne peut pas, par exemple, passer de longues heures à travailler à seule fin de gagner son pain. Il doit au contraire travailler avec beaucoup de modération, tout comme il doit se nourrir et satisfaire ses sens avec beaucoup de modération, tout en restant le plus possible à l’abri des soucis. Ainsi seulement la pratique du yoga peut-elle être fructueuse.

If one wants to engage in yoga at home, then he has to make certain that his other engagements are moderate. He cannot spend long hours of the day working hard to simply earn a livelihood. One should work very moderately, eat very moderately, gratify the senses very moderately and keep his life as free from anxiety as possible. In this way practice of yoga may be successful.

Comment reconnaît-on celui qui a atteint la perfection du yoga ? Kṛṣṇa déclare qu’on est établi dans le yoga lorsqu’on maîtrise parfaitement ses états de conscience.

What is the sign by which we can tell that one has attained perfection in yoga? Kṛṣṇa indicates that one is situated in yoga when his consciousness is completely under his control.

yadā viniyataṁ cittam
ātmany evāvatiṣṭhate
nispṛhaḥ sarva-kāmebhyo
yukta ity ucyate tadā
yadā viniyataṁ cittam
ātmany evāvatiṣṭhate
nispṛhaḥ sarva-kāmebhyo
yukta ity ucyate tadā

« On dit que le yogī est fixé dans le yoga quand il a su, par cette pratique, régler les activités de son mental et atteindre un niveau transcendantal où les désirs matériels n’ont plus de prise. » (Gītā 6.18) Celui qui s’est établi dans le yoga ne subit plus les dictées de son mental, mais le maîtrise au contraire parfaitement. Il ne s’agit nullement d’étouffer le mental, car la tâche du yogī consiste précisément à toujours penser à Kṛṣṇa, ou Viṣṇu. Le yogī ne peut donc pas mettre son mental à l’écart. Le défi semble de taille, mais il est possible de le relever dans la conscience de Kṛṣṇa. En effet, lorsqu’on s’absorbe dans la conscience de Kṛṣṇa, dans le service de Kṛṣṇa, comment le mental pourrait-il s’écarter de Kṛṣṇa ? Lorsqu’il est engagé au service de Kṛṣṇa, le mental est automatiquement maîtrisé.

“When the yogī, by practice of yoga, disciplines his mental activities and becomes situated in Transcendence – devoid of all material desires – he is said to have attained yoga.” (Bg. 6.18) One who has attained yoga is not dependent on the dictations of his mind; rather, the mind comes under his control. Nor is the mind put out or extinguished, for it is the business of the yogī to think of Kṛṣṇa, or Viṣṇu, always. The yogī cannot allow his mind to go out. This may sound very difficult, but it is possible in Kṛṣṇa consciousness. When one is always engaged in Kṛṣṇa consciousness, in the service of Kṛṣṇa, then how is it possible for the mind to wander away from Kṛṣṇa? In the service of Kṛṣṇa, the mind is automatically controlled.

Il est également important pour le yogī de n’entretenir aucun désir de jouissance matérielle. Lorsqu’on est habité par la conscience de Kṛṣṇa, on n’a plus aucun désir en dehors de Kṛṣṇa. Il n’est en effet pas possible d’oblitérer tous les désirs ; nos désirs de jouissance sensorielle doivent donc être subjugués grâce au processus de la purification, tandis que le désir de Kṛṣṇa doit être cultivé. Il s’agit tout simplement de modifier l’objet de nos désirs. Il n’est pas question de tuer le désir, car il nous accompagne toujours, que nous le voulions ou non. La conscience de Kṛṣṇa consiste tout simplement à purifier nos désirs. Plutôt que de convoiter mille et un objets de plaisir matériel, nous devons rechercher tout ce qui est utile au service de Kṛṣṇa. Si, par exemple, nous désirons nous délecter de mets savoureux, au lieu de cuisiner pour nous-mêmes, nous pouvons le faire pour Kṛṣṇa et Lui offrir les plats que nous préparons. Le geste reste le même, mais la conscience fait l’objet d’un transfert significatif : plutôt que d’agir pour la satisfaction de nos sens, nous tournons nos pensées vers le plaisir de Kṛṣṇa. Nous pouvons préparer des mets à base de laitages, de légumes, de céréales, de fruits et d’autres aliments végétariens pour ensuite les offrir à Kṛṣṇa à l’aide de la prière suivante : « Ce corps matériel est un lieu d’ignorance et les sens sont un réseau de chemins qui nous mènent à la mort. Nous voilà tombés dans l’océan des plaisirs matériels, et de tous les sens, la langue est le plus vorace et le plus incontrôlable. Il est très difficile, en ce monde, de maîtriser les impulsions de la langue. Mais Kṛṣṇa dans Sa miséricorde, nous a donné ce délicieux prasāda à seule fin de nous permettre de dominer les élans de la langue. Prenons donc ce prasāda à satiété, glorifions Leurs Seigneuries Śrī Śrī Rādhā et Kṛṣṇa, et avec amour, implorons l’aide de Śrī Caitanya et de Śrī Nityānanda. » Notre karma se trouve ainsi sacrifié, car dès le départ, nous méditons sur le fait que la nourriture que nous préparons sera offerte à Kṛṣṇa. Nous devons supprimer tout désir personnel à l’égard des plats que nous cuisinons. Par contre, Kṛṣṇa est si bon qu’Il nous laisse ce que nous Lui offrons pour que nous puissions nous en nourrir. Ce qui fait que notre désir est comblé de toute façon. Lorsque quelqu’un modèle ainsi sa vie – en reliant ses désirs à ceux de Kṛṣṇa – il faut savoir qu’il a atteint la perfection du yoga. La simple pratique d’exercices respiratoires et de postures ne peut être qualifiée de yoga selon les termes de la Bhagavad-gītā; une purification globale de la conscience s’impose.

Nor should the yogī have any desire for material sense gratification. If one is in Kṛṣṇa consciousness, he has no desire other than Kṛṣṇa. It is not possible to become desire­less. The desire for sense gratification must be overcome by the process of purification, but desire for Kṛṣṇa should be cultivated. It is simply that we have to transfer the desire. There is no question of killing desire, for desire is the constant companion of the living entity. Kṛṣṇa consciousness is the process by which one purifies his desires; instead of desiring so many things for sense gratification, one simply desires things for the service of Kṛṣṇa. For example, we may desire palatable food, but instead of preparing foodstuffs for ourselves, we can prepare them for Kṛṣṇa and offer them to Him. It is not that the action is different, but there is a transfer of consciousness from thinking of acting for my senses to thinking of acting for Kṛṣṇa. We may prepare nice milk products, vegetables, grains, fruits and other vegetarian dishes for Kṛṣṇa and then offer them to Him, praying, “This material body is a lump of ignorance and the senses are a network of paths leading to death. Of all the senses the tongue is the most voracious and difficult to control. It is very difficult to conquer the tongue in this world; therefore Śrī Kṛṣṇa has given us this nice prasāda, spiritual food, to conquer the tongue. So let us take this prasāda to our full satisfaction and glorify Their Lordships Śrī Śrī Rādhā and Kṛṣṇa and in love call for the help of Lord Caitanya and Nityānanda Prabhu.” In this way our karma is sacrificed, for from the very beginning we are thinking that the food is being offered to Kṛṣṇa. We should have no personal desires for the food. Kṛṣṇa is so merciful, however, that he gives us the food to eat. In this way our desire is fulfilled. When one has moulded his life in such a way – dovetailing his desires to Kṛṣṇa’s – then it is to be understood that he has attained perfection in yoga. Simply breathing deeply and doing some exercises is not yoga as far as Bhagavad-gītā is concerned. A whole purification of consciousness is required.

Pour pratiquer le yoga, il est très important que le mental ne soit pas perturbé.

In the execution of yoga, it is very important that the mind is not agitated.

yathā dīpo nivāta-stho
neṅgate sopamā smṛtā
yogino yata-cittasya
yuñjato yogam ātmanaḥ
yathā dīpo nivāta-stho
neṅgate sopamā smṛtā
yogino yata-cittasya
yuñjato yogam ātmanaḥ

« Semblable à la flamme qui à l’abri du vent ne vacille pas, le yogī maître de son mental est ferme dans sa méditation sur l’Être transcendant. » (Gītā 6.19) Lorsqu’on place une bougie à l’abri du vent, sa flamme reste bien droite, sans aucune oscillation. Or, le mental, tout comme la flamme, est exposé à tant de perturbations, sous forme de désirs matériels, qu’il est diverti à la moindre agitation. Le plus faible mouvement du mental peut affecter toute la conscience. C’est pour cette raison qu’en Inde, ceux qui pratiquent sérieusement le yoga demeurent traditionnellement célibataires (brahmacārīs).

“As a lamp in a windless place does not waver, so the transcendentalist, whose mind is controlled, remains always steady in his meditation on the transcendent self.” (Bg. 6.19) When a candle is in a windless place, its flame remains straight and does not waver. The mind, like the flame, is susceptible to so many material desires that with the slightest agitation it will move. A little movement of the mind can change the whole consciousness. Therefore in India one seriously practicing yoga traditionally remained brahmacārī, or celibate.

Il existe deux types de brahmacārīs : celui qui fait vœu d’abstinence totale, et celui qu’on qualifie de gṛhastha-brahmacārī, signifiant qu’il a une épouse, qu’il n’a de rapports avec aucune autre femme, et que les rapports qu’il entretient avec sa compagne sont soumis à des règles précises. De cette façon, que ce soit par l’abstinence totale ou par une vie sexuelle restreinte, on favorise la paix de l’esprit. Il arrive toutefois que même ceux qui ont fait vœu de chasteté soient troublés par des désirs charnels ; c’est pourquoi en Inde, ceux qui pratiquent le yoga traditionnel en faisant vœu d’abstinence ne se tiennent seuls auprès d’aucune femme, fût-ce leur mère, leur sœur ou leur fille. Le mental est en effet si fragile que la moindre suggestion peut engendrer le chaos.

There are two kinds of brahmacārī: one is completely celibate and the other is gṛhastha-brahmacārī, that is to say he has a wife, he does not associate with any other woman, and his relations with his own wife are strictly regulated. In this way, either by complete celibacy or restricted sex life, one’s mind is kept from being agitated. Yet when one takes a vow to remain a complete celibate, his mind may still be agitated by sexual desire; therefore in India those practicing the traditional yoga under strict vows of celibacy are not allowed to sit alone even with a mother, sister or daughter. The mind is so fickle that the slightest suggestion can create havoc.

Le yogī doit apprendre à dresser son mental de telle sorte qu’au moindre écart de sa méditation sur Viṣṇu, il le rappelle aussitôt à l’ordre. Or, cela demande beaucoup de pratique. Il faut acquérir la conviction que le vrai bonheur réside dans la satisfaction de ses sens spirituels, par opposition à celle de ses sens matériels. Il n’est pas question de faire taire nos sens, pas plus que nos désirs, car les désirs et la satisfaction des sens ont une contrepartie spirituelle. Le véritable bonheur transcende en effet la satisfaction matérielle des sens. Néanmoins, tant que cette conviction nous fait défaut, nous pouvons être certains d’être tentés et de succomber aux tentations. Il est donc important de savoir que le bonheur qu’on poursuit à travers les sens matériels est une chimère.

The yogī should have his mind trained in such a way that as soon as his mind wanders from meditation on Viṣṇu, he drags it back again. This requires a great deal of practice. One must come to know that his real happiness is in experiencing the pleasure of his transcendental senses, not the material senses. Senses are not to be sacrificed, and desires are not to be sacrificed, but there are both desires and sense satisfaction in the spiritual sphere. Real happiness is transcendental to material, sensual experience. If one is not convinced of this, he will surely be agitated and will fall down. One should therefore know that the happiness he is trying to derive from material senses is not really happiness.

On peut dire que les vrais yogīs jouissent réellement de la vie, mais comment ? Ramante yogino ’nante – leur plaisir est sans limites et constitue le véritable bonheur, un bonheur qui n’est pas matériel mais spirituel. Tel est le sens profond du mot Rāma, tel qu’on le retrouve dans le mantra Hare Kṛṣṇa, Hare Rāma : le plaisir, la satisfaction qu’on retire de la vie spirituelle. La vie spirituelle est toute de joie, à l’image de Kṛṣṇa Lui-même. Nous n’avons pas à sacrifier le plaisir, mais nous devons apprendre à en jouir comme il se doit. Un homme malade ne peut pas profiter normalement de la vie ; son bonheur demeure factice. Il ne pourra pleinement goûter les douceurs de la vie que lorsqu’il aura retrouvé la santé. De la même façon, tant que nous entretenons une conception matérielle de l’existence, nous ne parvenons pas réellement à jouir de la vie ; nous ne réussissons qu’à nous empêtrer toujours davantage dans les méandres de la nature matérielle. Si un malade n’est pas censé manger et qu’il mange tout de même sans restriction, il en mourra. Pareillement, plus nous cherchons à multiplier les plaisirs matériels, plus nous nous enlisons en ce monde, et plus il devient difficile d’échapper à notre prison matérielle. Toutes les formes de yoga sont destinées à démêler l’enchevêtrement des liens qui emprisonnent l’âme conditionnée, à la détourner des faux plaisirs que procurent les objets matériels pour l’orienter vers le véritable bonheur qu’engendre la conscience de Kṛṣṇa. Śrī Kṛṣṇa explique :

Those who are actually yogīs truly enjoy, but how do they enjoy? Ramante yogino ’nante – their enjoyment is unlimited, that unlimited enjoyment is real happiness, and such happiness is spiritual, not material. This is the real meaning of Rāma, as in the chant Hare Rāma. Rāma means enjoyment through spiritual life. Spiritual life is all pleasure, and Kṛṣṇa is all pleasure. We do not have to sacrifice pleasure, but we do have to enjoy it properly. A diseased man cannot enjoy life; his enjoyment of life is a false enjoyment. But when he is cured and is healthy, then he is able to enjoy. Similarly, as long as we are in the material conception of life, we are not actually enjoying ourselves but are simply becoming more and more entangled in material nature. If a sick man is not supposed to eat, his eating unrestrictedly actually kills him. Similarly, the more we increase material enjoyment, the more we become entangled in this world, and the more difficult it becomes to get free from the material entrapment. All of the systems of yoga are meant to disentangle the conditioned soul from this entrapment, to transfer him from the false enjoyment of material things to the actual enjoyment of Kṛṣṇa consciousness. Śrī Kṛṣṇa says,

yatroparamate cittaṁ
niruddhaṁ yoga-sevayā
yatra caivātmanātmānaṁ
paśyann ātmani tuṣyati
yatroparamate cittaṁ
niruddhaṁ yoga-sevayā
yatra caivātmanātmānaṁ
paśyann ātmani tuṣyati
sukham ātyantikaṁ yat tad
buddhi-grāhyam atīndriyam
vetti yatra na caivāyaṁ
sthitaś calati tattvataḥ
sukham ātyantikaṁ yat tad
buddhi-grāhyam atīndriyam
vetti yatra na caivāyaṁ
sthitaś calati tattvataḥ
yaṁ labdhvā cāparaṁ lābhaṁ
manyate nādhikaṁ tataḥ
yasmin sthito na duḥkhena
guruṇāpi vicālyate
yaṁ labdhvā cāparaṁ lābhaṁ
manyate nādhikaṁ tataḥ
yasmin sthito na duḥkhena
guruṇāpi vicālyate
taṁ vidyād duḥkha-saṁyoga-
viyogaṁ yoga-saṁjñitam
taṁ vidyād duḥkha-saṁyoga-
viyogaṁ yoga-saṁjñitam

« Celui qui par la pratique du yoga parvient à soustraire son mental de toute activité matérielle connaît le niveau de perfection qu’on appelle samādhi, ou extase méditative. Cet état se caractérise par la faculté de percevoir l’Être Suprême avec un mental pur et de trouver la joie en Lui. Ainsi, à travers ses sens purifiés, il se trouve constamment immergé dans un bonheur transcendantal infini. Cette perfection atteinte, il ne s’écartera plus de la vérité, sachant que rien n’est plus précieux. Imperturbable, même au cœur des pires difficultés, il se libère définitivement des souffrances nées du contact avec la matière. » (Gītā 6.20–23)

“In the stage of perfection called trance, or samādhi, one’s mind is completely restrained from material mental activities by practice of yoga. This is characterized by one’s ability to see the self by the pure mind and to relish and rejoice in the self. In that joyous state, one is situated in boundless transcendental happiness and enjoys himself through transcendental senses. Established thus, one never departs from the truth, and upon gaining this he thinks there is no greater gain. Being situated in such a position, one is never shaken, even in the midst of greatest difficulty. This indeed is actual freedom from all miseries arising from material contact.” (Bg. 6.20–23)

Un type de yoga peut s’avérer ardu alors qu’un autre peut être plus facile, mais dans tous les cas, il est nécessaire de purifier son existence pour s’éveiller au bonheur spirituel dans la conscience de Kṛṣṇa. Alors seulement pourrons-nous être heureux.

One form of yoga may be difficult and another may be easy, but in all cases one must purify his existence to the conception of Kṛṣṇa conscious enjoyment. Then one will be happy.

yadā hi nendriyārtheṣu
na karmasv anuṣajjate
sarva-saṅkalpa-sannyāsī
yogārūḍhas tadocyate
yadā hi nendriyārtheṣu
na karmasv anuṣajjate
sarva-saṅkalpa-sannyāsī
yogārūḍhas tadocyate
uddhared ātmanātmānaṁ
nātmānam avasādayet
ātmaiva hy ātmano bandhur
ātmaiva ripur ātmanaḥ
uddhared ātmanātmānaṁ
nātmānam avasādayet
ātmaiva hy ātmano bandhur
ātmaiva ripur ātmanaḥ

« On considère avancé dans la pratique du yoga celui qui a renoncé à tout désir matériel et qui n’agit plus, ni pour le plaisir des sens ni pour tirer profit de ses actes. Le mental peut être l’ami de l’âme conditionnée, mais il peut aussi être son ennemi. L’homme doit s’en servir pour se libérer, non pour se dégrader. » (Gītā 6.4–5) Nous devons nous élever au niveau spirituel par nos propres efforts. En ce sens, je peux aussi bien être mon propre ami que mon propre ennemi ; le choix est mien. Cāṇakya Paṇḍita a écrit à ce propos une maxime révélatrice : « Personne n’est à priori l’ami ni l’ennemi de quiconque. C’est à leur comportement qu’on reconnaît ses amis et ses ennemis. » Personne ne naît l’ami ou l’ennemi de qui que ce soit ; ces rôles sont définis en fonction du comportement des êtres entre eux. Et de même que nous entretenons des rapports avec autrui dans le cours de nos activités quotidiennes, chaque être entretient également des rapports avec lui-même. Je peux donc agir envers moi-même tel un ami ou un ennemi. Si je veux être un ami pour moi-même, je dois m’efforcer de comprendre que je suis une âme spirituelle, que pour une raison ou une autre je suis entré en contact avec la nature matérielle, et qu’il me faut échapper aux filets qui me retiennent prisonnier de la matière en agissant de façon à en défaire les nœuds. Dans ce cas, je peux dire que je suis véritablement un ami pour moi-même. Autrement, si je ne saisis pas l’occasion de prendre conscience de ces choses lorsqu’elles se présentent à moi, je dois me considérer comme mon pire ennemi.

“A person is said to have attained to yoga when, having renounced all material desires, he neither acts for sense gratification nor engages in fruitive activities. A man must elevate himself by his own mind, not degrade himself. The mind is the friend of the conditioned soul, and his enemy as well.” (Bg. 6.4–5) We have to raise ourselves to the spiritual standard by ourselves. In this sense I am my own friend and I am my own enemy. The opportunity is ours. There is a very nice verse by Cāṇakya Paṇḍita: “No one is anyone’s friend, no one is anyone’s enemy. It is only by behavior that one can understand who is his friend and who is his enemy.” No one is born our enemy, and no one is born our friend. These roles are determined by mutual behavior. As we have dealings with others in ordinary affairs, in the same way the individual has dealings with himself. I may act as my own friend or as an enemy. As a friend, I can understand my position as spirit soul and, seeing that somehow or other I have come into contact with material nature, try to get free from material entanglement by acting in such a way as to disentangle myself. In this case I am my friend. But if even after getting this opportunity I do not take it, then I should be considered my own worst enemy.

bandhur ātmātmanas tasya
yenātmaivātmanā jitaḥ
anātmanas tu śatrutve
vartetātmaiva śatru-vat
bandhur ātmātmanas tasya
yenātmaivātmanā jitaḥ
anātmanas tu śatrutve
vartetātmaiva śatru-vat

« Pour qui l’a maîtrisé, le mental est le meilleur ami. Mais pour qui a échoué, il reste le pire ennemi. » (Gītā 6.6) Comment peut-on devenir son propre ami ? Nous en avons ici l’explication. Le mot ātmā sert à désigner tantôt le corps, tantôt le mental et tantôt l’âme. Lorsque notre conscience se limite au corps, ātmā ne désigne que le corps. Quand nous transcendons le plan physique et que nous nous élevons au niveau de l’esprit, alors c’est le mental qu’ātmā désigne. Mais lorsque nous nous établissons au niveau purement spirituel, ātmā fait référence à l’âme, ce que nous sommes en réalité. Ainsi, selon notre niveau d’évolution spirituelle, le mot ātmā change de sens pour nous. Selon le dictionnaire védique, le Nirukti, ātmā peut aussi bien désigner le corps que le mental ou l’âme ; mais dans ce verset de la Bhagavad-gītā, il fait référence au mental.

“For he who has conquered the mind, the mind is the best of friends; but for one who has failed to do so, his very mind will be the greatest enemy.” (Bg. 6.6) How is it possible for one to become his own friend? This is explained here. Ātmā means “mind,” “body” and “soul.” When we speak of ātmā, insofar as we are in the bodily conception, we refer to the body. However, when we transcend the bodily conception and rise to the mental platform, ātmā refers to the mind. But actually when we are situated on the truly spiritual platform, then ātmā refers to the soul. In actuality we are pure spirit. In this way, according to one’s spiritual development, the meaning of the word ātmā differs. As far as the Nirukti Vedic dictionary is concerned, ātmā refers to body, mind and soul. However, in this verse of Bhagavad-gītā, ātmā refers to mind.

Si, par la pratique du yoga, on réussit à éduquer le mental, il devient un allié. Par contre, lorsqu’on le laisse à lui-même, on perd toute possibilité de mener une existence fructueuse. Pour celui qui n’a aucune conception de la vie spirituelle, le mental est un véritable ennemi. Lorsque quelqu’un s’identifie à son corps, son mental n’agit pas dans son intérêt ; il n’agit qu’au service du corps grossier, contribuant ainsi à conditionner davantage l’être vivant et à l’empêtrer toujours un peu plus dans les filets de la nature matérielle. À l’opposé, lorsqu’on prend conscience de sa nature véritable, en tant qu’âme spirituelle distincte du corps, le mental peut devenir un instrument libérateur. Le mental en soi n’a pas de responsabilité particulière ; il attend simplement d’être formé, et c’est par association qu’il se forme le mieux. La fonction du mental est de désirer, et nos désirs sont déterminés par notre entourage. Si donc nous voulons que notre mental agisse en ami envers nous, nous devons surveiller nos fréquentations.

If, through yoga, the mind can be trained, then the mind is our friend. But if the mind is left untrained, then there is no possibility of leading a successful life. For one who has no idea of spiritual life, the mind is the enemy. If one thinks that he is simply the body, his mind will not be working for his benefit; it will simply be acting to serve the gross body and to further condition the living entity and entrap him in material nature. If, however, one understands one’s position as spirit soul apart from the body, the mind can be a liberating factor. In itself, the mind has nothing to do; it is simply waiting to be trained, and it is best trained through association. Desire is the function of the mind, and one desires according to his association; so if the mind is to act as friend, there must be good association.

La meilleure compagnie est celle du sādhu, d’une personne consciente de Kṛṣṇa ou s’efforçant de progresser sur la voie spirituelle. Les autres, au contraire, ne vivent que pour des valeurs temporaires (asat). La matière et le corps étant de nature temporaire, si quelqu’un n’agit qu’en vue de procurer des plaisirs à son corps, il est forcément conditionné par ces valeurs temporaires. Il lui suffit cependant de s’engager sur la voie de la réalisation spirituelle pour se dédier à ce qui est permanent (sat). De toute évidence, l’homme intelligent recherchera donc la compagnie de ceux qui s’efforcent de s’élever au niveau de la réalisation spirituelle par la pratique d’une des nombreuses formes de yoga. Les sādhus, les âmes réalisées, pourront alors trancher net son attachement à la matière et aux matérialistes. Tel est l’avantage inestimable des bonnes fréquentations.

Kṛṣṇa, par exemple, n’expose la Bhagavad-gītā à Arjuna que pour rompre ses attachements matériels. Arjuna subit l’attrait de divers éléments qui font obstacle à l’exécution de son devoir propre, et Kṛṣṇa les taille en pièces. Lorsqu’on désire couper quelque chose, il faut un instrument tranchant ; et pour couper le mental de ses attachements, il est parfois nécessaire d’utiliser des mots tranchants. Aussi le sādhu, ou le maître spirituel, se montre-t-il sans merci lorsqu’il devient nécessaire d’avoir recours à des paroles coupantes pour séparer le mental du disciple de ses engouements matériels. En exposant la vérité sans faire de compromis, il a en effet le pouvoir de mettre fin à l’asservissement à la matière. En guise d’exemple, Kṛṣṇa parle durement à Arjuna au début de la Bhagavad-gītā lorsqu’Il lui dit qu’en dépit de ses savants discours, il n’est en fait qu’un sot. Si nous voulons vraiment nous détacher du monde matériel, nous devons être prêts à accepter les propos tranchants que le maître spirituel peut parfois nous tenir. Les compromis et la flatterie n’ont aucun effet là où la force s’impose.

The best association is a sādhu, that is, a Kṛṣṇa conscious person or one who is striving for spiritual realization. There are those who are striving for temporary things (asat). Matter and the body are temporary, and if one only engages himself for bodily pleasure, he is conditioned by temporary things. But if he engages himself in self-realization, then he is engaged in something permanent (sat). Obviously if one is intelligent he will associate with those who are trying to elevate themselves to the platform of self-realization through one of the various forms of yoga. The result will be that those who are sādhu, or realized, will be able to sever his attachment to material association. This is the great advantage of good association. For instance, Kṛṣṇa speaks Bhagavad-gītā to Arjuna just to cut off his attachment to this material affection. Because Arjuna is attracted to things that are impeding the execution of his own duty, Kṛṣṇa severs these things. To cut something, a sharp instrument is required; and to cut the mind from its attachments, sharp words are often required. The sādhu or teacher shows no mercy in using sharp words to sever the student’s mind from material attractions. By speaking the truth uncompromisingly, he is able to sever the bondage. For example, at the very beginning of Bhagavad-gītā Kṛṣṇa speaks sharply to Arjuna by telling him that although he speaks like a learned man, he is actually fool number one. If we actually want detachment from this material world, we should be prepared to accept such cutting words from the spiritual master. Compromise and flattery have no effect where strong words are required.

La Bhagavad-gītā condamne à maintes reprises la conception matérielle de l’existence. On compare à un âne celui qui considère son pays natal comme un objet de vénération, ou qui se rend dans les lieux saints sans porter d’intérêt aux sādhus qui s’y trouvent. Et de même qu’un ennemi ne pense qu’à faire du mal, le mental indiscipliné ne peut que nous entraîner de plus en plus profondément dans les méandres de la matière. Les âmes conditionnées sont constamment aux prises avec le mental et les autres sens. Or, puisque le mental dirige les sens, il est de la plus haute importance de s’en faire un ami.

In Bhagavad-gītā the material conception of life is condemned in so many places. One who thinks the country in which he is born is worshipable, or one who goes to holy places and yet ignores the sādhus there, is likened unto an ass. As an enemy is always thinking of doing harm, so the untrained mind will drag one deeper and deeper into material entanglement. Conditioned souls struggle very hard with the mind and with the other senses. Since the mind directs the other senses, it is of utmost importance to make the mind the friend.

jitātmanaḥ praśāntasya
paramātmā samāhitaḥ
śītoṣṇa-sukha-duḥkheṣu
tathā mānāpamānayoḥ
jitātmanaḥ praśāntasya
paramātmā samāhitaḥ
śītoṣṇa-sukha-duḥkheṣu
tathā mānāpamānayoḥ

« Celui qui est serein parce qu’il a conquis son mental a déjà atteint l’Âme Suprême. Il voit d’un œil égal la joie et la peine, la chaleur et le froid, la gloire et l’opprobre. » (Gītā 6.7)

En dressant le mental, on accède à la paix, car sinon, il ne cesse de nous entraîner vers des objets dénués de toute durabilité, au même titre qu’un cheval débridé entraînera le char qu’il tire dans une course périlleuse. Bien que nous soyons de nature permanente, éternelle, nous nous sommes attachés à des valeurs éphémères. Le mental peut cependant être facilement dompté ; il suffit pour cela que nous le fixions sur Kṛṣṇa. De la même façon qu’un fort est en sécurité lorsqu’il est défendu par un grand général, si l’on intronise Kṛṣṇa dans le fort du mental, aucun ennemi ne pourra y pénétrer. L’éducation matérielle, la richesse et le pouvoir ne nous sont d’aucun secours pour maîtriser le mental. Aussi, un grand bhakta a-t-il fait cette prière : « Quand pourrai-je enfin penser à Kṛṣṇa de façon constante ? Mon mental m’entraîne dans toutes les directions, mais aussitôt que je parviens à le fixer sur les pieds pareils-au-lotus du Seigneur, il devient clair et limpide. » Lorsque notre esprit est clair, nous sommes capables de méditer sur l’Âme Suprême. Le Paramātmā, ou l’Âme Suprême, siège toujours aux côtés de l’âme individuelle, dans le cœur de l’homme, et le yoga lui permet de se concentrer et de faire converger son esprit vers le Paramātmā présent dans son cœur. Le verset de la Bhagavad-gītā cité précédemment indique clairement que celui qui parvient à vaincre le mental et à surmonter tout attachement aux choses éphémères devient en mesure de s’absorber dans la pensée du Paramātmā. Et en conséquence, il s’affranchit de toute dualité et de toute dénomination artificielle.

“For one who has conquered the mind, the Supersoul is already reached, for he has attained tranquillity. To such a man happiness and distress, heat and cold, honor and dishonor are all the same.” (Bg. 6.7) By training the mind, one actually attains tranquillity, for the mind is always dragging us over nonpermanent things, just as an unbridled horse will pull a chariot on a perilous course. Although we are permanent and eternal, somehow or other we have become attracted to nonpermanent things. But the mind can be easily trained if it is simply fixed on Kṛṣṇa. Just as a fort is safe when it is defended by a great general, if Kṛṣṇa is placed in the fort of the mind, there will be no possibility of the enemy’s entering. Material education, wealth and power will not help one to control the mind. A great devotee prays, “When will I be able to think of You constantly? My mind is always dragging me about, but as soon as I am able to fix my mind on the lotus feet of Kṛṣṇa, it becomes clear.” When the mind is clear, it is possible to meditate on the Supersoul. The Paramātmā, or Supersoul, is always seated within the heart along with the individual soul. The yoga system involves concentrating the mind and focusing it on the Paramātmā, or Supersoul, seated within the heart. The previously quoted verse from Bhagavad-gītā indicates that one who has conquered the mind and has overcome all attachment to nonpermanent things can be absorbed in thought of the Paramātmā. One so absorbed becomes free from all duality and false designations.