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DIX-SEPTIÈME CHAPITRE

Les branches de la foi

Texte

arjuna uvāca
ye śāstra-vidhim utsṛjya
yajante śraddhayānvitāḥ
teṣāṁ niṣṭhā tu kā kṛṣṇa
sattvam āho rajas tamaḥ

Synonyms

arjunaḥ uvāca: Arjuna dit; ye: ceux qui; śāstra-vidhim: les règles prescrites dans les Écritures; utsṛjya: abandonnant; yajante: vouent un culte; śraddhayā: une foi totale; anvitāḥ: emplis de; teṣām: d’eux; niṣṭhā: la foi; tu: mais; kā: qu’est-ce que; kṛṣṇa: ô Kṛṣṇa; sattvam: dans la vertu; āho: ou bien; rajaḥ: dans la passion; tamaḥ: dans l’ignorance.

Translation

Arjuna dit: Ô Kṛṣṇa, quelles sont les conditions d’existence de ceux qui ne suivent pas les principes des Écritures et se vouent à un culte de leur invention ? Sont-ils sous l’influence de la vertu, de la passion ou de l’ignorance ?

Purport

Dans le quatrième chapitre, le trente-neuvième verset enseignait que l’homme qui se voue à un culte particulier se voit graduellement élevé au niveau de la connaissance, et atteint par là les sommets de la paix et de la prospérité. Dans le seizième chapitre, il était en outre expliqué que l’on doit considérer comme un asura, un démon, celui qui omet de suivre les principes établis par les Écritures et comme un deva celui qui les observe avec foi. Mais qu’en est-il de celui qui suit avec foi des principes dont les Écritures ne font pas mention ? Kṛṣṇa va dissiper ici le doute d’Arjuna. L’adoration de celui qui fait d’un être humain un dieu et place en lui sa foi relève-t-elle de la vertu, de la passion ou de l’ignorance ? Obtient-il la véritable connaissance et atteint-il ainsi la perfection de l’existence ? Connaîtra-t-il le succès quand il ne suit pas les principes des Écritures, mais a pourtant foi en quelque chose, deva ou homme, dont il fait l’objet de son culte ? Telles sont les questions qu’Arjuna pose à Kṛṣṇa.

Texte

śrī-bhagavān uvāca
tri-vidhā bhavati śraddhā
dehināṁ sā svabhāva-jā
sāttvikī rājasī caiva
tāmasī ceti tāṁ śṛṇu

Synonyms

śrī-bhagavān uvāca: Dieu, la Personne Suprême, dit; tri-vidhā: de trois sortes; bhavati: devient; śraddhā: la foi; dehinām: de l’être incarné; sā: que; svabhāva-jā: selon le guṇa qui l’influence; sāttvikī: la vertu; rājasī: la passion; ca: aussi; eva: certes; tāmasī: l’ignorance; ca: et; iti: ainsi; tām: cela; śṛṇu: entends de Moi.

Translation

Dieu, la Personne Suprême, répond: Selon qu’il est influencé par tel ou tel guṇa, on dit que la foi de l’être incarné relève de la vertu, de la passion ou de l’ignorance. Maintenant, prête une oreille attentive à ce que Je vais te dire.

Purport

Les hommes qui, malgré la connaissance qu’ils en ont, cessent d’observer par paresse ou indolence les principes régulateurs donnés dans les Écritures sont sous l’emprise des modes d’influence de la nature matérielle. Selon leurs activités passées, empreintes de vertu, de passion ou d’ignorance, ils acquièrent une nature particulière. Dès le premier instant où il entre en contact avec la nature matérielle, l’être vivant ne cesse d’être confronté aux guṇas et il hérite, selon leur influence spécifique, d’une certaine mentalité. Il lui sera toutefois possible de la modifier s’il approche un maître spirituel authentique et vit selon ses préceptes et ceux des Écritures. Graduellement, il pourra passer de l’ignorance ou de la passion, à la vertu. Pour conclure, nous dirons qu’une foi aveugle, prise dans la sphère d’un guṇa particulier, ne peut être d’aucun recours pour qui veut atteindre la perfection de l’existence. Il faut considérer les choses avec attention, avec intelligence, en la présence d’un maître spirituel authentique. Ainsi seulement peut-on progresser vers un guṇa plus élevé.

Texte

sattvānurūpā sarvasya
śraddhā bhavati bhārata
śraddhā-mayo ’yaṁ puruṣo
yo yac-chraddhaḥ sa eva saḥ

Synonyms

sattva-anurūpā: selon l’existence; sarvasya: de chacun; śraddhā: la foi; bhavati: devient; bhārata: ô fils de Bharata; śraddhā: foi; mayaḥ: plein de; ayam: cette; puruṣaḥ: l’être; yaḥ: qui; yat: l’ayant; śraddhaḥ: la foi; saḥ: ainsi; eva: certes; saḥ: il.

Translation

En fonction des guṇas qu’il a acquis et de l’influence qu’ils exercent sur son existence, l’être développe une foi particulière, ô fils de Bharata. D’eux dépend la nature de sa foi.

Purport

Il n’est personne, peu importe sa condition, qui n’ait une forme particulière de foi. Mais, selon la nature que l’individu a acquis au contact des guṇas, cette foi est dite appartenir à la vertu, à la passion ou à l’ignorance. Ainsi, selon la nature de sa foi, il recherchera la compagnie de telles ou telles personnes. Cependant, le fait est que chaque être vivant, comme l’enseigne le quinzième chapitre, fait originellement partie intégrante du Seigneur Suprême, et se situe donc au-delà de l’influence des guṇas. Mais qu’il oublie sa relation avec Dieu et entre en contact avec la nature matérielle dans l’existence conditionnée, et l’être détermine alors ses propres conditions d’existence en fonction des divers aspects de cette nature. La foi et le mode d’existence qui résultent de ce conditionnement ne sont que matériels, artificiels. Bien que l’être conditionné perçoive la vie d’une certaine manière, qu’il en ait une conception matérielle, il est par nature nirguṇa, et se trouve donc au-delà de la matière. Aussi lui faut-il, s’il veut retrouver sa relation avec le Seigneur Suprême, se purifier de la souillure matérielle qui le recouvre. Et ce n’est qu’en empruntant la voie de la conscience de Kṛṣṇa qu’il pourra retrouver cette relation en toute quiétude. Qui a adopté la conscience de Kṛṣṇa s’élève sans nul doute à la plus haute perfection. Mais qui n’emprunte pas cette voie de réalisation spirituelle devra vivre sous l’emprise des trois guṇas.

Le mot śraddhā, ou foi, est ici particulièrement significatif. En effet, la śraddhā a pour origine le mode d’influence de la vertu. Qu’elle se place en un deva, en un dieu fictif ou en quelque création mentale, c’est la foi ferme qui engendre les actes vertueux. Sachons, cependant, que nulle œuvre accomplie dans le cadre de l’existence conditionnée, au sein de la nature matérielle, n’est tout à fait pure. Nul acte ne relève de la seule vertu. Les autres guṇas sont toujours présents. La pure vertu, en effet, transcende la nature matérielle, et celui qui s’y établit peut comprendre la vraie nature de Dieu, la Personne Suprême. Tant que la foi ne relève pas de cette vertu totalement pure, elle est souillée par les guṇas, qui étendent leur influence jusqu’au cœur. Aussi est-ce la façon dont le cœur entre en contact avec un guṇa particulier qui détermine l’aspect que revêt la foi. Comprenons que la foi d’un homme, dont le cœur est vertueux, procède de la vertu et que la foi de celui dont le cœur est passionné est sous le signe de la passion. Quant à celui dont le cœur est recouvert par les ténèbres de l’ignorance, de l’illusion, sa foi en subira la souillure.

On trouvera en ce monde différentes sortes de religions pour exprimer sa foi. Le véritable principe de la foi religieuse, cependant, se situe dans la vertu pure, et c’est seulement parce que les autres guṇas affectent le cœur des êtres qu’il existe toute une variété de religions. Différentes croyances engendrent différentes sortes de cultes.

Texte

yajante sāttvikā devān
yakṣa-rakṣāṁsi rājasāḥ
pretān bhūta-gaṇāṁś cānye
yajante tāmasā janāḥ

Synonyms

yajante: vouent un culte; sāttvikāḥ: ceux qui sont sous l’influence de la vertu; devān: aux devas; yakṣa-rakṣāṁsi: aux démons; rājasāḥ: ceux qui sont sous l’influence de la passion; pretān: aux esprits des morts; bhūtagaṇān: aux fantômes; ca anye: et autres; yajante: vouent un culte; tāmasāḥ: dans l’ignorance; janāḥ: les gens.

Translation

Les hommes qu’inspire la vertu vouent un culte aux devas, ceux que gouverne la passion, aux démons, et ceux que domine l’ignorance, aux fantômes et autres esprits.

Purport

Dans ce verset, Dieu, la Personne Suprême, décrit diverses sortes d’adorateurs, classés d’après leur comportement. Les Écritures enseignent que seul le Seigneur Suprême est digne d’adoration, mais les hommes qui n’ont pas une grande connaissance des préceptes scripturaires, ou qui n’ont pas foi en eux, vénèrent divers objets, selon qu’ils sont influencés par tel ou tel guṇa. Ceux qu’inspire la vertu rendent généralement un culte aux devas, c’est-à-dire à Brahmā, Śiva, et de nombreux autres, comme Indra, Candra ou Vivasvān, le deva du soleil. Leur culte à un deva particulier est conditionné par le but qu’ils se proposent d’atteindre. De même, ceux que gouverne la passion vénèrent les êtres démoniaques. Nous nous souvenons à ce propos, d’un homme à Calcutta durant la seconde guerre mondiale, qui rendait un culte à Hitler car, en provoquant la guerre, celui-ci lui avait permis d’amasser une immense fortune au marché noir. Comme lui, ceux que dominent la passion et l’ignorance déifient souvent un homme chargé de pouvoir. Ils croient que n’importe qui peut être adoré comme Dieu sans que les résultats obtenus changent.

Il est donc clair ici que les hommes gouvernés par la passion créent de tels dieux et leur vouent un culte, tandis que l’ignorance pousse les êtres qu’elle enveloppe de ses ténèbres à vénérer les esprits des morts. Il leur arrive parfois d’offrir un culte sur la tombe d’un mort. Les rites sexuels relèvent également du mode d’influence de l’ignorance. On voit aussi en Inde, en des villages reculés, des gens qui vénèrent les spectres. Nous avons nous-même constaté que des gens de très basse condition se rendent parfois dans la forêt pour offrir des sacrifices à un arbre dans lequel vit un fantôme.

On ne peut évidemment pas assimiler ces pratiques à celles qui ont pour seul objet l’adoration de Dieu, car ces dernières ne concernent que les êtres qui se sont fixés dans la pure vertu, loin de la sphère d’influence des guṇas. Le Śrīmad-Bhāgavatam (4.3.23) enseigne: sattvaṁ viśuddhaṁ vasudeva-śabditam – « Quand un homme est établi dans la pure vertu, il adore Vāsudeva. » Ou en d’autres mots, l’être qui n’est plus souillé par les guṇas et qui s’est élevé au niveau transcendantal peut vouer son adoration à Dieu, la Personne Suprême.

En principe, les impersonnalistes sont conduits par la vertu et rendent un culte à cinq devas différents. Dans l’univers matériel, ils adorent l’impersonnel sous la forme de Viṣṇu, le Viṣṇu « philosophé. » Viṣṇu est une émanation du Seigneur Suprême, mais comme les impersonnalistes refusent de croire en Dieu en tant que personne, ils s’imaginent que la forme de Viṣṇu ne constitue qu’un autre aspect du Brahman impersonnel. Ils pensent également que Brahmā représente, sous le rapport du mode d’influence de la passion, la forme de ce même Brahman impersonnel. Ils en viennent donc à dire que l’on peut adorer cinq sortes de dieux. Mais comme ils croient que le Brahman impersonnel est l’unique vérité, ils se défont, à la fin, de tout objet d’adoration.

Concluons en disant qu’on peut se soustraire aux différentes influences des guṇas par le simple fait d’entrer au contact de personnes qui les ont transcendées.

Texte

aśāstra-vihitaṁ ghoraṁ
tapyante ye tapo janāḥ
dambhāhaṅkāra-saṁyuktāḥ
kāma-rāga-balānvitāḥ
karṣayantaḥ śarīra-sthaṁ
bhūta-grāmam acetasaḥ
māṁ caivāntaḥ śarīra-sthaṁ
tān viddhy āsura-niścayān

Synonyms

aśāstra: pas dans les Écritures; vihitam: ordonnées; ghoram: nuisibles aux autres; tapyante: s’infligent; ye: ceux qui; tapaḥ: des austérités; janāḥ: les personnes; dambha: avec orgueil; ahaṅkāra: et égoïsme; saṁyuktāḥ: engagées; kāma: de la concupiscence; rāga: de l’attachement; bala: par la force; anvitāḥ: poussées; karṣayantaḥ: tourmentant; śarīra-stham: située dans le corps; bhūta-grāmam: la combinaison d’éléments matériels; acetasaḥ: ayant une mentalité fourvoyée; mām: Moi; ca: aussi; eva: certes; antaḥ: à l’intérieur; śarīra-stham: situé dans le corps; tān: eux; viddhi: comprends; āsura-niścayān: des êtres démoniaques.

Translation

Les insensés qui sont tout entiers gouvernés par la concupiscence et l’attachement, qui, par orgueil et égoïsme, s’imposent de sévères austérités et pénitences non conformes aux Écritures, perturbent l’agencement des éléments matériels du corps et Me tourmentent aussi, Moi, l’Âme Suprême sise en eux. Ils sont tenus pour démoniaques.

Purport

Certains hommes s’inventent leurs propres modes d’austérité et de pénitence, dont les Écritures ne font pas mention: ils vont par exemple jeûner afin d’obtenir des résultats matériels, politiques ou autres. Mais les Écritures recommandent le jeûne qui sert l’avancement spirituel et non celui qui vise un but politique ou social. La Bhagavad-gītā est formelle: les hommes qui se livrent à de telles austérités sont démoniaques. Leurs actes s’opposent aux préceptes scripturaires et d’une manière générale n’apportent rien à l’humanité. Ils sont en fait motivés par l’orgueil, le faux ego, la concupiscence et l’attachement aux plaisirs matériels. Ces actes perturbent non seulement la combinaison des éléments matériels du corps, mais aussi le Seigneur Suprême qui y vit en personne. Ces austérités et ces jeûnes non autorisés, accomplis à des fins politiques, sont une grande source de gêne pour autrui. Une fois encore, ils ne sont en aucun cas mentionnés dans les Textes védiques. L’homme démoniaque croira peut-être que ces méthodes forceront son ennemi ou les partis adverses à se rendre à ses désirs, mais elles pourront également parfois le conduire à la mort. Ces pratiques ne sont pas approuvées par Dieu, qui enseigne au contraire que ceux qui s’y livrent sont démoniaques. Elles sont une insulte au Seigneur parce qu’elles vont à l’encontre des lois énoncées dans les Textes védiques.

Relevons à ce propos le mot acetasaḥ. Si les hommes dont le mental est sain ont pour devoir d’obéir aux règles des Écritures, les autres négligent les Védas et leur désobéissent en inventant leurs propres modes d’ascèse et de pénitence. Il faut toujours garder à l’esprit le destin de ces démons, tel qu’il est décrit dans le chapitre précédent. Le Seigneur les force à renaître du sein de quelque autre être démoniaque, et donc à vivre existence après existence selon des principes diaboliques, en ignorant tout du lien qui les unit à Dieu, la Personne Suprême. Mais par contre, s’ils ont la chance d’être dirigés sur la voie de la sagesse védique par un maître spirituel, ils pourront se libérer de cet enchaînement et atteindre le but suprême.

Texte

āhāras tv api sarvasya
tri-vidho bhavati priyaḥ
yajñas tapas tathā dānaṁ
teṣāṁ bhedam imaṁ śṛṇu

Synonyms

āhāraḥ: la nourriture; tu: certes; api: aussi; sarvasya: pour chacun; tri-vidhaḥ: trois sortes; bhavati: il y a; priyaḥ: aimée; yajñaḥ: le sacrifice; tapaḥ: l’austérité; tathā: aussi; dānam: la charité; teṣām: entre eux; bhedam: les différences; imam: cela; śṛṇu: écoute.

Translation

On peut, à l’instar des sacrifices, des actes de charité et des austérités, ranger les aliments auxquels vont nos préférences en trois catégories, chacune correspondant à l’influence particulière d’un guṇa. Écoute maintenant ce qui les distingue.

Purport

On trouvera, correspondant aux diverses influences des guṇas, diverses manières de manger, d’accomplir des sacrifices, de pratiquer des austérités et de faire la charité. Elles ne se situent pas toutes à un même niveau. Celui qui peut comprendre, de façon analytique, de quel guṇa elles relèvent est un vrai sage, au contraire du sot qui ne sait pas distinguer entre les diverses formes de nourriture, sacrifice ou charité. Bien sûr, il y aura toujours des prédicateurs pour enseigner qu’on peut atteindre la perfection en agissant comme bon nous semble. Mais ces faux guides vont à l’encontre des Écritures. Ils inventent leurs propres méthodes et égarent les foules.

Texte

āyuḥ-sattva-balārogya-
sukha-prīti-vivardhanāḥ
rasyāḥ snigdhāḥ sthirā hṛdyā
āhārāḥ sāttvika-priyāḥ

Synonyms

āyuḥ: la durée de vie; sattva: l’existence; bala: force; ārogya: santé; sukha: bonheur; prīti: et satisfaction; vivardhanāḥ: augmentant; rasyāḥ: juteux; snigdhāḥ: gras; sthirāḥ: substantiels; hṛdyāḥ: qui réjouissent le cœur; āhārāḥ: les aliments; sāttvika: de celui qu’influence la vertu; priyāḥ: appréciés.

Translation

Les êtres influencés par la vertu se nourrissent d’aliments qui purifient l’existence et en prolongent la durée, procurant force, santé, joie et satisfaction. Ils sont juteux, riches, sains et réjouissent le cœur.

Texte

kaṭv-amla-lavaṇāty-uṣṇa-
tīkṣṇa-rūkṣa-vidāhinaḥ
āhārā rājasasyeṣṭā
duḥkha-śokāmaya-pradāḥ

Synonyms

kaṭu: amers; amla: acides; lavaṇa: salés; ati-uṣṇa: trop épicés; tīkṣṇa: pimentés; rūkṣa: desséchés; vidāhinaḥ: brûlants; āhārāḥ: les aliments; rājasasya: de celui qu’influence la passion; iṣṭāḥ: appréciés; duḥkha: la souffrance; śoka: la misère; āmaya: la maladie; pradāḥ: causant.

Translation

Les hommes qui subissent l’ascendant de la passion aiment les aliments trop amers, trop acides, trop salés, trop épicés, trop pimentés, desséchés ou brûlants, lesquels engendrent souffrance, malheur et maladie.

Texte

yāta-yāmaṁ gata-rasaṁ
pūti paryuṣitaṁ ca yat
ucchiṣṭam api cāmedhyaṁ
bhojanaṁ tāmasa-priyam

Synonyms

yāta-yāmam: la nourriture préparée trois heures avant d’être mangée; gata-rasam: sans goût; pūti: fétide; paryuṣitam: décomposée; ca: aussi; yat: ce qui; ucchiṣṭam: les restes d’autrui; api: aussi; ca: et; amedhyam: intouchable; bhojanam: la nourriture; tāmasa: de celui qu’influence l’ignorance; priyam: aimée de.

Translation

Ceux que gouverne l’ignorance préfèrent quant à eux les aliments préparés plus de trois heures avant d’être consommés, les aliments sans goût, fétides ou décomposés, les restes d’autrui et les choses intouchables.

Purport

La nourriture a pour seule fonction d’accroître la longévité, de purifier le mental et de donner au corps santé et vigueur. De grandes autorités en la matière ont choisi, par le passé, les aliments qui répondent le mieux à ces critères, et qui sont, entre autres, les produits laitiers, le sucre, le riz, le blé, les fruits et les légumes. Ces aliments sont particulièrement prisés par les hommes qu’inspire la vertu. D’autres, tels que le maïs ou la mélasse, bien que peu savoureux s’ils sont consommés seuls deviennent délicieux une fois mélangés à du lait ou à d’autres aliments. On peut alors les compter au nombre des aliments vertueux. Tous sont naturellement purs, à l’inverse des choses intouchables que sont la viande et l’alcool. Quand le verset huit parle d’aliments riches et gras, il ne fait pas allusion aux graisses qui proviennent de l’abattage des animaux. Il s’agit de la graisse animale issue du lait, qui se trouve être le plus merveilleux de tous les aliments. Le lait, le beurre, le fromage et autres produits similaires donnent des graisses animales sous une forme qui exclut toute nécessité de tuer d’innocentes créatures. Seule une mentalité barbare permet que se poursuive ce massacre. La seule manière civilisée d’obtenir les matières grasses nécessaires à l’homme est de les puiser dans le lait. L’abattage des animaux est le propre des sous-hommes. Quant aux protéines, on les trouvera en abondance dans les pois cassés, le dāl, le blé complet, etc.

Les aliments de la passion – trop amers, trop salés, trop épicés ou trop pimentés – engendrent la souffrance, car ils dérèglent le taux de mucus dans l’estomac et sont à l’origine de maladies.

Les aliments de l’ignorance sont pour l’essentiel ceux qui ne sont pas frais. Tout aliment préparé plus de trois heures avant d’être consommé relève de l’ignorance (exception faite du prasādam, la nourriture d’abord offerte au Seigneur). Parce qu’en se décomposant ces aliments font naître de mauvaises odeurs qui souvent attirent les hommes sujets à l’ignorance, ils répugnent à ceux que gouverne la vertu.

Les reliefs de nourriture ne peuvent être consommés que lorsqu’ils proviennent d’un repas d’abord offert au Seigneur Suprême ou aux saints hommes, notamment au maître spirituel. Sinon, tout reste de nourriture relève de l’ignorance et ne fait que répandre l’infection et la maladie. De tels aliments, bien qu’extrêmement agréables aux hommes dominés par l’ignorance, n’attirent jamais les hommes conduits par la vertu, qui ne veulent même pas y toucher.

Mais la meilleure nourriture est celle que l’on offre d’abord à Dieu, au Seigneur Suprême, Lequel enseigne dans la Bhagavad-gītā que si on les Lui offre avec dévotion, Il accepte les mets préparés à partir de légumes, de farine et de lait (patraṁ puṣpaṁ phalaṁ toyam). Bien entendu, l’amour et la dévotion accompagnant l’offrande sont, pour le Seigneur, les ingrédients les plus importants. Mais le prasādam n’en requiert pas moins une préparation particulière. Tout aliment ainsi préparé, en accord avec les critères des Écritures, et ensuite offert à Dieu, la Personne Suprême, peut être honoré même longtemps après avoir été cuisiné, car il est purement spirituel. C’est pourquoi si l’on désire rendre les aliments purs, comestibles et succulents pour tous, on doit d’abord les offrir à la Personne Suprême.

Texte

aphalākāṅkṣibhir yajño
vidhi-diṣṭo ya ijyate
yaṣṭavyam eveti manaḥ
samādhāya sa sāttvikaḥ

Synonyms

aphala-ākāṅkṣibhiḥ: par ceux qui n’attendent aucun résultat; yajñaḥ: le sacrifice; vidhi-diṣṭaḥ: conformément aux injonctions scripturaires; yaḥ: qui; ijyate: est accompli; yaṣṭavyam: doit être accompli; eva: certes; iti: ainsi; manaḥ: le mental; samādhāya: fixé sur; saḥ: cela; sāttvikaḥ: dans la vertu.

Translation

De tous les sacrifices, celui qu’on accomplit par devoir, conformément aux injonctions scripturaires, et sans en attendre aucun fruit en retour, participe de la vertu.

Purport

C’est en général pour satisfaire leurs désirs personnels que les gens offrent des sacrifices. Notre verset affirme néanmoins que l’oblation doit être faite par devoir et non pour répondre à des mobiles égoïstes. Prenons l’exemple des rites pratiqués dans les temples ou dans les églises. Ils sont en général motivés par le désir d’obtenir quelque avantage matériel, et ne sauraient donc relever de la vertu. Il faut aller au temple ou à l’église par devoir, y rendre son hommage à Dieu, la Personne Suprême, et Lui offrir des fleurs, de la nourriture, etc., sans en attendre un profit matériel. Tous croient, cependant, qu’il ne sert à rien de se rendre au temple à seule fin d’adorer Dieu. Rappelons-leur que l’adoration qui vise à l’obtention de biens matériels n’est nullement recommandée dans les Écritures. On ne doit se rendre au temple que pour offrir ses respects à la mūrti. En agissant ainsi, on restera sous l’égide de la vertu. Il va du devoir de tout homme civilisé d’obéir aux lois qu’énoncent les Écritures, et d’honorer le Seigneur Suprême.

Texte

abhisandhāya tu phalaṁ
dambhārtham api caiva yat
ijyate bharata-śreṣṭha
taṁ yajñaṁ viddhi rājasam

Synonyms

abhisandhāya: désirant; tu: mais; phalam: le fruit; dambha: orgueil; artham: par; api: aussi; ca: et; eva: certes; yat: ce qui; ijyate: est accompli; bharata-śreṣṭha: ô meilleur des Bhāratas; tam: ce; yajñam: sacrifice; viddhi: sache; rājasam: dans la passion.

Translation

Par contre, le sacrifice accompli par orgueil, ou en vue d’obtenir quelque bienfait matériel, naît de la passion, ô meilleur des Bhāratas.

Purport

Sacrifices et rites sont parfois accomplis dans le but d’être promu aux planètes édéniques ou d’obtenir, en ce monde, des bienfaits matériels. Ils sont dits naître de la passion.

Texte

vidhi-hīnam asṛṣṭānnaṁ
mantra-hīnam adakṣiṇam
śraddhā-virahitaṁ yajñaṁ
tāmasaṁ paricakṣate

Synonyms

vidhi-hīnam: sans suivre les directions des Écritures; asṛṣṭa-annam: sans distribution de prasāda; mantra-hīnam: sans chanter d’hymnes védiques; adakṣiṇam: sans rémunération pour les prêtres; śraddhā: foi; virahitam: sans; yajñam: le sacrifice; tāmasam: dans l’ignorance; paricakṣate: doit être considéré.

Translation

Quant au sacrifice accompli sans foi aucune et hors des préceptes scripturaires, où nulle nourriture consacrée n’est distribuée, nul hymne chanté, et où les prêtres ne reçoivent aucun don en retour, il participe, lui, de l’ignorance.

Purport

La foi qui relève des ténèbres de l’ignorance s’avère être plutôt un manque de foi. Certains adorent tel ou tel deva afin d’obtenir de l’argent qu’ils dépensent ensuite pour leur plaisir, au mépris des préceptes scripturaires. Ces cérémonieuses démonstrations de piété ne sauraient être tenues pour authentiques. Elles relèvent des ténèbres de l’ignorance. Elles engendrent une mentalité démoniaque et ne sont d’aucune aide pour l’humanité.

Texte

deva-dvija-guru-prājña-
pūjanaṁ śaucam ārjavam
brahmacaryam ahiṁsā ca
śārīraṁ tapa ucyate

Synonyms

deva: le Seigneur Suprême; dvija: les brāhmaṇas; guru: le maître spirituel; prājña: et les personnalités dignes de vénération; pūjanam: adorer; śaucam: la propreté; ārjavam: la simplicité; brahmacaryam: la continence; ahiṁsā: la non-violence; ca: aussi; śārīram: appartenir au corps; tapaḥ: l’austérité; ucyate: est dite.

Translation

Adorer le Seigneur Suprême, le maître spirituel, vénérer les brāhmaṇas et tous ceux qui, comme nos parents, sont au-dessus de nous, observer la propreté, la simplicité, la continence et la non-violence, telles sont les austérités du corps.

Purport

Le Seigneur Suprême décrit ici les différentes formes d’austérité et de pénitence. Il commence par énumérer les austérités du corps. Elles consistent à offrir, ou apprendre à offrir, l’hommage de notre respect à Dieu, mais aussi aux devas, aux brāhmaṇas accomplis et qualifiés, au maître spirituel, et à nos supérieurs, père, mère, ou quiconque est versé dans le savoir védique. À chacun d’eux, il faut offrir des marques appropriées de respect.

Il est également nécessaire d’apprendre à se purifier, à l’extérieur comme à l’intérieur, et à devenir simple dans son comportement. On ne doit jamais, par ailleurs, se livrer à des actes que réprouvent les Écritures, comme par exemple s’adonner à la vie sexuelle hors des liens du mariage. Les Écritures, en effet, ne sanctionnent la vie sexuelle que dans le cadre du mariage. C’est ce que l’on entend par continence. Telles sont donc les austérités et les pénitences du corps.

Texte

anudvega-karaṁ vākyaṁ
satyaṁ priya-hitaṁ ca yat
svādhyāyābhyasanaṁ caiva
vāṅ-mayaṁ tapa ucyate

Synonyms

anudvega-karam: qui ne perturbent pas; vākyam: des mots; satyam: vrais; priya: chers; hitam: bénéfiques; ca: aussi; yat: qui; svādhyāya: de l’étude des Védas; abhyasanam: la pratique; ca: aussi; eva: certes; vāṅmayam: de la voix; tapaḥ: l’austérité; ucyate: est dit être.

Translation

User d’un langage vrai, plaisant, bénéfique, qui ne perturbe pas autrui, et réciter assidûment les Védas, telles sont les austérités du verbe.

Purport

On doit s’abstenir d’user de paroles qui dérangent le mental d’autrui. Un précepteur peut naturellement instruire ses élèves de certaines vérités qu’il ne dira pas à d’autres si cela doit les perturber. Tel est l’un des aspects de l’ascèse du verbe. Mais il faut également s’abstenir de proférer des inepties. Celui qui prend la parole dans un cercle de spiritualistes doit appuyer ses dires sur les Écritures, qu’il citera immédiatement pour confirmer ce qu’il enseigne. Ses propos doivent également être plaisants à l’oreille. Ces échanges seront alors pour tous un grand bienfait et contribueront à faire progresser la société humaine. Il existe une infinité d’Écrits védiques qu’il nous faudrait étudier. Tout cela procède de l’ascèse du verbe.

Texte

manaḥ-prasādaḥ saumyatvaṁ
maunam ātma-vinigrahaḥ
bhāva-saṁśuddhir ity etat
tapo mānasam ucyate

Synonyms

manaḥ-prasādaḥ: la satisfaction du mental; saumyatvam: l’absence de duplicité; maunam: la gravité; ātma: de soi; vinigrahaḥ: la maîtrise; bhāva: de sa propre nature; saṁśuddhiḥ: la purification; iti: ainsi; etat: cela; tapaḥ: l’austérité; mānasam: du mental; ucyate: est dit être.

Translation

Sérénité, simplicité, gravité, maîtrise de soi et purification de l’existence, telles sont les austérités du mental.

Purport

Pour que le mental devienne austère, il faut le détacher du plaisir des sens. On doit l’éduquer de façon à ce qu’il ne pense qu’au bien d’autrui, et pour cela l’idéal est de lui imposer la gravité de pensée. Il ne faut jamais dévier de la conscience de Kṛṣṇa et toujours se détourner du plaisir des sens. On n’est conscient de Kṛṣṇa que lorsqu’on se purifie au plus profond de soi. Et l’on ne devient serein, on ne satisfait le mental, que lorsqu’on écarte toute pensée de jouissance matérielle. Car plus on médite sur ces jouissances, plus le mental est frustré et insatisfait. Dans l’âge où nous vivons, les hommes s’absorbent inutilement et de tant de façons dans la recherche du plaisir des sens qu’il leur est impossible de connaître la paix du mental. La meilleure chose à faire est d’orienter le mental vers les Écrits védiques tels que les Purāṇas ou le Mahābhārata, qui sont pleins d’histoires passionnantes. On peut tirer parti du savoir qu’ils renferment et s’en trouver purifié.

Le mental doit être dénué de toute duplicité et s’imprégner de pensées qui visent au bien de tous. On appelle silence une telle immersion de la pensée dans la réalisation spirituelle. L’homme conscient de Kṛṣṇa, qui absorbe toujours ainsi ses pensées, est donc parfaitement silencieux. On obtient la maîtrise du mental en le détachant de la jouissance matérielle. On doit être franc et direct, et ainsi purifier son existence. Toutes ces qualités relèvent de l’austérité du mental.

Texte

śraddhayā parayā taptaṁ
tapas tat tri-vidhaṁ naraiḥ
aphalākāṅkṣibhir yuktaiḥ
sāttvikaṁ paricakṣate

Synonyms

śraddhayā: avec une foi; parayā: transcendantale; taptam: exécutée; tapaḥ: austérité; tat: cette; tri-vidham: de trois sortes; naraiḥ: par des hommes; aphala-ākāṅkṣibhiḥ: sans désir pour les fruits; yuktaiḥ: engagés; sāttvikam: dans la vertu; paricakṣate: est appelée.

Translation

Ces trois types d’austérités, pratiquées avec une foi transcendantale par des hommes dont le but n’est pas d’obtenir quelque bienfait matériel, mais de satisfaire le Suprême, relèvent de la vertu.

Texte

satkāra-māna-pūjārthaṁ
tapo dambhena caiva yat
kriyate tad iha proktaṁ
rājasaṁ calam adhruvam

Synonyms

satkāra: le respect; māna: l’honneur; pūjā: et la vénération; artham: pour obtenir; tapaḥ: l’austérité; dambhena: avec orgueil; ca: aussi; eva: certes; yat: qui; kriyate: est accomplie; tat: cette; iha: dans ce monde; proktam: est dite; rājasam: dans la passion; calam: vacillante; adhruvam: temporaire.

Translation

Quant aux austérités accomplies par orgueil afin d’être respecté, honoré, vénéré, on les dit inspirées par la passion. Elles ne sont ni fiables ni permanentes.

Purport

Austérités et pénitences sont parfois accomplies pour attirer les hommes et obtenir d’eux respect, honneur et vénération. Ceux que domine la passion s’arrangent pour être vénérés de leurs subordonnés, qui leur lavent les pieds et leur offrent des richesses. Ces pénitences artificielles relèvent de la passion. Leurs fruits sont éphémères et on ne peut s’y livrer que pendant un certain laps de temps.

Texte

mūḍha-grāheṇātmano yat
pīḍayā kriyate tapaḥ
parasyotsādanārthaṁ vā
tat tāmasam udāhṛtam

Synonyms

mūḍha: stupide; grāheṇa: avec effort; ātmanaḥ: de soi-même; yat: qui; pīḍayā: par la torture; kriyate: est accomplie; tapaḥ: l’austérité; parasya: des autres; utsādanārtham: pour provoquer la destruction; vā: ou; tat: celle-ci; tāmasam: dans l’ignorance; udāhṛtam: est dite être.

Translation

Enfin, relèvent de l’ignorance les austérités accomplies par sottise, pour se mortifier, ou pour blesser ou tuer autrui.

Purport

Jadis certains êtres démoniaques, comme Hiraṇyakaśipu, accomplirent de terribles austérités pour devenir immortels et anéantir les devas. Bien qu’Hiraṇyakaśipu eût prié Brahmā de lui octroyer ces faveurs, il fut tout de même tué par le Seigneur Suprême. Entreprendre une ascèse pour atteindre l’impossible, voilà qui relève de l’ignorance.

Texte

dātavyam iti yad dānaṁ
dīyate ’nupakāriṇe
deśe kāle ca pātre ca
tad dānaṁ sāttvikaṁ smṛtam

Synonyms

dātavyam: faite à bon escient; iti: ainsi; yat: ce qui; dānam: la charité; dīyate: est donnée; anupakāriṇe: sans rien attendre en retour; deśe: le lieu; kāle: le temps; ca: aussi; pātre: à la personne convenable; ca: et; tat: cette; dānam: charité; sāttvikam: dans la vertu; smṛtam: est considérée.

Translation

La charité faite par devoir sans rien attendre en retour, en de justes conditions de temps et de lieu, et à qui en est digne, procède de la vertu.

Purport

Les Écritures védiques recommandent la charité faite aux hommes dont les activités sont spirituelles. On ne trouve nulle part qu’elles cautionnent la charité faite sans discernement. Le but doit en être la perfection spirituelle. Aussi est-il conseillé de donner en charité aux brāhmaṇas qualifiés ou aux vaiṣṇavas (dévots), en des lieux de pèlerinage ou dans des temples, lors d’une éclipse solaire ou lunaire, ou à la fin du mois. Mais il faut ne rien attendre en retour. L’aumône est parfois accordée aux pauvres, par compassion, mais on ne fait aucun progrès spirituel si les pauvres à qui l’on donne n’en sont pas dignes. En d’autres mots, la charité faite sans discernement n’est pas recommandée par les Textes védiques.

Texte

yat tu pratyupakārārthaṁ
phalam uddiśya vā punaḥ
dīyate ca parikliṣṭaṁ
tad dānaṁ rājasaṁ smṛtam

Synonyms

yat: ce qui; tu: mais; prati-upakāra-artham: pour avoir quelque chose en retour; phalam: un résultat; uddiśya: désirant; vā: ou; punaḥ: encore; dīyate: est donnée; ca: aussi; parikliṣṭam: à contrecœur; tat: cette; dānam: charité; rājasam: dans la passion; smṛtam: est reconnue être.

Translation

Mais la charité dont on attend qu’elle nous soit rendue, qui vise un résultat matériel, ou qui est faite à contrecœur, cette charité ressort de la passion.

Purport

On fait parfois la charité parce qu’on souhaite atteindre les planètes édéniques. Il arrive aussi qu’on la fasse avec réticence et qu’elle soit suivie de remords: « Pourquoi ai-je ainsi tant dépensé ? » D’autres fois, c’est par obligation, à la demande d’un supérieur. Toutes ces formes de charité relèvent de la passion.

Il existe de nombreuses fondations charitables qui font des dons à des institutions où les plaisirs des sens sont encouragés. De tels actes de charité ne sont pas recommandés dans les Écrits védiques. Seuls le sont ceux qui procèdent de la vertu.

Texte

adeśa-kāle yad dānam
apātrebhyaś ca dīyate
asat-kṛtam avajñātaṁ
tat tāmasam udāhṛtam

Synonyms

adeśa: dans un endroit impur; kāle: en un temps impur; yat: ce qui est; dānam: charité; apātrebhyaḥ: à qui n’en est pas digne; ca: aussi; dīyate: est donnée; asat-kṛtam: sans respect; avajñātam: sans l’attention qui convient; tat: cette; tāmasam: dans l’ignorance; udāhṛtam: est dite être.

Translation

Quant à la charité qui est faite en un lieu impropre et en temps inopportun, à des gens qui n’en sont pas dignes, ou bien qui s’exerce de façon irrespectueuse et méprisante, elle procède de l’ignorance.

Purport

Ce verset rejette les aumônes qui serviront à l’intoxication et aux jeux de hasard. Elles appartiennent au mode d’influence de l’ignorance. Non seulement elles n’apportent aucun bienfait, mais en plus elles encouragent le péché. De même, si l’on fait la charité à une personne qui en est digne, mais de façon irrespectueuse, sans y mettre toute l’attention qui convient, elle est également considérée comme relevant des ténèbres de l’ignorance.

Texte

oṁ tat sad iti nirdeśo
brahmaṇas tri-vidhaḥ smṛtaḥ
brāhmaṇās tena vedāś ca
yajñāś ca vihitāḥ purā

Synonyms

oṁ: désignation de l’Absolu; tat: cette; sat: éternelle; iti: ainsi; nirdeśaḥ: désignation; brahmaṇaḥ: de l’Absolu; tri-vidhaḥ: de trois sortes; smṛtaḥ: est considérée; brāhmaṇāḥ: les brāhmaṇas; tena: avec cela; vedāḥ: les Écritures védiques; ca: aussi; yajñāḥ: le sacrifice; ca: aussi; vihitaḥ: utilisaient; purā: jadis.

Translation

Depuis les origines de la création, les mots oṁ tat sat ont servi à désigner la Vérité Suprême et Absolue. Pour satisfaire le Seigneur, les brāhmaṇas utilisent ces trois représentations symboliques lorsqu’ils font des sacrifices ou chantent les hymnes védiques.

Purport

Nous avons vu que la nourriture, le sacrifice, l’austérité et la charité peuvent être rangés dans trois catégories: la vertu, la passion et l’ignorance. Qu’elles soient de premier, de second ou de troisième ordre, toutes ces pratiques restent conditionnées, touchées par les guṇas. Cependant, si on les oriente vers l’Absolu – oṁ tat sat: Dieu, la Personne Suprême, l’Éternel – elles deviendront facteur d’élévation spirituelle, ce qui est l’objectif des préceptes scripturaires. Les trois mots oṁ tat sat se réfèrent spécifiquement à la Vérité Absolue, Dieu, la Personne Suprême. Le mot oṁ est d’ailleurs constamment employé dans les hymnes védiques.

Celui qui ne suit pas les principes des Écritures ne parviendra jamais à atteindre la Vérité Absolue. Il obtiendra sûrement quelque résultat temporaire, mais n’atteindra pas le but réel de la vie. Le sacrifice, l’austérité et la charité, doivent donc se placer sous le signe de la vertu, car marqués de la passion ou de l’ignorance, leur valeur est moindre.

Les trois mots oṁ tat sat sont prononcés conjointement au saint nom du Seigneur Suprême, comme par exemple dans oṁ tad viṣṇoḥ. Les Védas expliquent que chaque fois que l’on chante un hymne védique ou le saint nom du Seigneur, on y joint oṁ. Ces trois mots proviennent des hymnes védiques. Oṁ ity etad brahmaṇo nediṣṭhaṁ nāma indique le premier but. Tat tvam asi (Chāndogya Upaniṣad 6.8.7), le second, et sad eva saumya (Chāndogya Upaniṣad 6.2.1), le troisième. Combinés, ils deviennent oṁ tat sat. Jadis, lorsque Brahmā, le premier être créé, offrit des sacrifices, il désigna par ces trois mots Dieu, la Personne Suprême, et ce principe est toujours en vigueur dans la succession disciplique.

Cet hymne ayant donc une très grande importance, la Bhagavad-gītā recommande que toute œuvre soit accomplie pour oṁ tat sat, pour Dieu, la Personne Suprême. Celui qui fait un sacrifice, une austérité ou un acte de charité en prononçant ces trois mots agit dans la conscience de Kṛṣṇa. La conscience de Kṛṣṇa est en effet l’exécution scientifique d’activités spirituelles, qui permettent aux êtres de retourner à Dieu, en leur demeure éternelle. En agissant ainsi, on ne subit aucune perte d’énergie.

Texte

tasmād oṁ ity udāhṛtya
yajña-dāna-tapaḥ-kriyāḥ
pravartante vidhānoktāḥ
satataṁ brahma-vādinām

Synonyms

tasmāt: donc; oṁ: commençant par oṁ; iti: ainsi; udāhṛtya: indiquant; yajña: de sacrifice; dāna: de charité; tapaḥ: d’austérité; kriyāḥ: les actes; pravartante: commencent; vidhāna-uktāḥ: selon les règles des Écritures; satatam: toujours; brahma-vādinām: des spiritualistes.

Translation

Ainsi, parce qu’ils souhaitent atteindre l’Absolu, les spiritualistes font toujours précéder du son oṁ tout acte de sacrifice, de charité ou d’austérité, conformément aux règles scripturaires.

Purport

Oṁ tad viṣṇoḥ paramaṁ padam (Ṛg-veda 1.22.20): les pieds pareils-au-lotus de Viṣṇu constituent l’objet suprême de la dévotion. Accomplir toute chose pour la satisfaction de Dieu, la Personne Suprême, c’est rendre parfait tous ses actes.

Texte

tad ity anabhisandhāya
phalaṁ yajña-tapaḥ-kriyāḥ
dāna-kriyāś ca vividhāḥ
kriyante mokṣa-kāṅkṣibhiḥ

Synonyms

tat: cela; iti: ainsi; anabhisandhāya: sans désirer; phalam: de bénéfices matériels; yajña: de sacrifice; tapaḥ: et d’austérité; kriyāḥ: les actes; dāna: de charité; kriyāḥ: les actes; ca: aussi; vividhāḥ: variés; kriyante: sont faits; mokṣa-kāṅkṣibhiḥ: par ceux qui désirent vraiment la libération.

Translation

On doit accomplir sacrifices, austérités et actes charitables en prononçant le mot tat sans en attendre aucun bénéfice matériel, car le but de ces activités transcendantales est de s’affranchir des chaînes de la matière.

Purport

Qui souhaite atteindre le niveau spirituel ne doit convoiter aucun profit matériel. Il faut agir afin d’obtenir le plus précieux des biens: le retour à Dieu, dans le royaume spirituel.

Texte

sad-bhāve sādhu-bhāve ca
sad ity etat prayujyate
praśaste karmaṇi tathā
sac-chabdaḥ pārtha yujyate
yajñe tapasi dāne ca
sthitiḥ sad iti cocyate
karma caiva tad-arthīyaṁ
sad ity evābhidhīyate

Synonyms

sat-bhāve: dans le sens de la nature de l’Absolu; sādhu-bhāve: dans le sens de la nature du dévot; ca: aussi; sat: le mot sat; iti: ainsi; etat: cela; prayujyate: est employé; praśaste: authentiques; karmaṇi: pour les activités; tathā: aussi; sat-śabdaḥ: le son; pārtha: ô fils de Pṛthā; yujyate: est employé; yajñe: pour le sacrifice; tapasi: pour l’austérité; dāne: pour la charité; ca: aussi; sthitiḥ: la situation; sat: l’Absolu; iti: ainsi; ca: et; ucyate: est prononcé; karma: l’action; ca: aussi; eva: certes; tat: pour cela; arthīyam: destinée; sat: l’Absolu; iti: ainsi; eva: certes; abhidhīyate: est indiqué.

Translation

Ô fils de Pṛthā, on désigne par le mot sat non seulement la Vérité Absolue, objet du sacrifice dévotionnel, mais aussi l’auteur du sacrifice, ainsi que le sacrifice proprement dit, l’austérité et la charité qui, en accord avec l’Absolu, visent le plaisir de la Personne Suprême.

Purport

Les mots praśaste karmaṇi (devoirs prescrits) indiquent qu’il existe de nombreuses prescriptions dans les Écritures védiques consistant en des rites purificatoires qui commencent dès la conception de l’enfant et se poursuivent jusqu’au terme de l’existence. Ces rites purificatoires sont exécutés pour que l’être vivant obtienne la libération ultime. Et lors de leur exécution, il est recommandé de faire vibrer les sons oṁ tat sat.

Quant aux mots sad-bhāve et sādhu-bhāve, ils désignent le niveau absolu. On appelle sattva les actions accomplies dans la conscience de Kṛṣṇa et sādhu celui qui comprend parfaitement la nature de ces actes. Le Śrīmad-Bhāgavatam (3.25.25) enseigne que l’on ne peut appréhender clairement les sujets spirituels qu’en la compagnie des dévots. Les mots utilisés sont satāṁ prasaṅgāt. Le savoir transcendantal ne peut s’acquérir qu’auprès de personnes spirituellement élevées. Lorsqu’un maître initie un disciple ou lui remet le cordon sacré, il fait résonner les sons oṁ tat sat. De même, dans tout yajña, l’objet est l’Absolu, oṁ tat sat.

On désigne par tad-arthīyam tout service offert à ce qui représente l’Absolu, comme le fait de participer aux activités du temple (cuisine ou autre) et à la diffusion des gloires du Seigneur. Ces mots suprêmes, oṁ tat sat, servent à parfaire tout acte et confèrent la plénitude à toute chose.

Texte

aśraddhayā hutaṁ dattaṁ
tapas taptaṁ kṛtaṁ ca yat
asad ity ucyate pārtha
na ca tat pretya no iha

Synonyms

aśraddhayā: sans foi; hutam: offert en sacrifice; dattam: donné; tapaḥ: l’austérité; taptam: exécutée; kṛtam: fait; ca: aussi; yat: ce qui; asat: faux; iti: ainsi; ucyate: est dit être; pārtha: ô fils de Pṛthā; na: jamais; ca: aussi; tat: cela; pretya: après la mort; no: non plus; iha: en cette vie.

Translation

Les sacrifices, les austérités et les actes charitables accomplis sans foi en le Suprême sont éphémères, ô fils de Pṛthā. On les dit asat, et ils sont vains, tant dans cette vie que dans la suivante.

Purport

Qu’il s’agisse de sacrifice, d’austérité ou de charité, tout ce qui n’est pas accompli dans un but spirituel s’avère tout à fait vain. C’est pourquoi notre verset déclare que ces activités sont mauvaises. Tout doit être accompli pour l’Être Suprême, dans la conscience de Kṛṣṇa. Privé d’une telle foi et de toute directive adéquate, on ne récolte jamais aucun fruit. Du reste, tous les Textes védiques conseillent d’avoir foi en l’Être Suprême. Le but ultime de tous les enseignements védiques est de nous amener à comprendre Kṛṣṇa, car nul ne peut connaître la réussite s’il n’observe ce principe. Le mieux sera donc d’agir dès le début dans la conscience de Kṛṣṇa, sous la conduite d’un maître spirituel authentique. Ainsi verra-t-on ses entreprises couronnées de succès.

Tant qu’ils sont conditionnés, les hommes ont tendance à rendre un culte aux devas, aux spectres ou aux Yakṣas (comme Kuvera). Le mode d’influence de la vertu est certes supérieur à celui de la passion ou de l’ignorance, mais en adoptant directement la conscience de Kṛṣṇa, on transcende les trois guṇas. Bien qu’il existe un processus d’élévation graduel, le mieux sera quand même, au contact de purs dévots, d’adopter directement la conscience de Kṛṣṇa. C’est ce que recommande ce chapitre. Mais pour réussir dans cette voie, il nous faudra tout d’abord trouver le maître spirituel compétent qui dirigera notre formation. Alors sera-t-il possible d’avoir foi en l’Absolu. Et lorsque, avec le temps, cette foi aura mûri, elle prendra le nom d’amour de Dieu. Cet amour est le but ultime de tous les êtres. On doit donc adopter directement la conscience de Kṛṣṇa, ce qui est le message de ce dix-septième chapitre.

Ainsi s’achèvent les teneurs et portées de Bhaktivedanta sur le dix-septième chapitre de la Śrīmad Bhagavad-gītā traitant des branches de la foi.